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Nouvelles

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"Cyclope" est une nouvelle écrite lors d'un atelier d'écriture animé par Philippe Djian en 2017. Elle est devenue le premier chapitre du roman éponyme "Cyclope(s)" publié en 2020.

Cyclope

(Extrait)

«Je suis parti trop vite » pensa Gabriel. L’idée lui avait traversé l’esprit dès les premiers kilomètres. Comme d’habitude. Il avait une fâcheuse tendance, dès qu’apparaissaient les premières douleurs musculaires, à se focaliser sur ce doute qui l’envahissait petit à petit. Ca ne durait pas plus de quelques minutes en général, le temps que les endorphines libérées par l’effort physique produisent leur effet. Sauf que d’habitude, il arrivait à chasser l’envahisseur. Là, ça prenait le dessus. Impossible de s’en débarrasser. Il connaissait par cœur le sentier côtier. Il aurait presque pu courir les yeux fermés. Son parcours était toujours le même. Souvent, il faisait encore nuit lorsqu’il partait en direction des falaises. Il suivait le chemin poussiéreux sur quelques kilomètres, calant sa foulée sur le bruit régulier du ressac. L’océan rythmait sa course. Le lever de soleil sur cette mer huileuse était un spectacle dont il ne se lassait pas. À hauteur de la tour génoise, il bifurquait à travers les vignes, à flanc de coteau. Dos au rivage, il montait alors en petite foulée, ses épaules absorbant la chaleur de l’astre qui s’élevait doucement au-dessus des flots. Il trouvait dans cette routine quotidienne, une forme d’apaisement, un sentiment de sécurité. À mesure que renaissait la lumière, il pouvait espérer être en paix. Mais pas ce matin. Ca ne fonctionnait pas. Quelque chose le tracassait, absorbait ses pensées. Il n’était pas concentré. Il n’était pas détendu. Il devait reprendre le contrôle. «Concentre-toi. Respire. Souffle. Allonge ta foulée» se sermonna-t-il dans un murmure. Il chercherait plus tard une explication à ce stress soudain. Pour l’heure, il allait devoir retrouver rapidement son rythme, car le cyclope l’attendait déjà au bout du chemin.

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"Lemmy" est une nouvelle écrite lors d'un atelier d'écriture animé par Sylvain Prudhomme en 2022. 

Lemmy

(Extrait)

Je n’avais encore jamais écouté Motörhead avant de rencontrer la fille de Lemmy. Je n’en avais même jamais entendu parler lorsque je me suis arrêté faire le plein à l’entrée de l’A10. Au moment où je suis sorti de la boutique, je l’ai vue s’avancer vers moi, dans son uniforme noir, un Eastpack élimé pendu à son épaule. Elle a jeté un regard au caissier qui l’observait d’un œil méfiant depuis son aquarium. Il avait cette petite moue condescendante qui semblait dire à la fille : hum, si j’étais toi, je ne parierais pas sur celui-là.

D’habitude, j’aurais donné raison au pompiste. Je ne prends jamais d’auto-stoppeur. Surtout pas avec la bagnole de société. Les consignes de la boite sont très claires. Une question d’assurances, je crois. Et aussi, il y a eu cette histoire avec l’équipe du secteur sud. Des commerciaux qui prenaient des Blablacar pour arrondir leur fin de mois. Ils ont tous été virés.

Donc, aucune chance, jeune fille.

Elle a froncé les sourcils et levé le poing gauche, majeur dressé en direction du pompiste, sans même lui jeter un regard. Le gars a dû être un peu surpris, mais il n’a pas cillé. Il est resté à nous observer, son sourire narquois à peine voilé, sûr de son fait.

Elle m’a mis sous le nez son carton, sans rien dire. J’ai lu les grandes lettres noires majuscules, tracées avec application dans une graphie vaguement gothique. Ça disait : Hellfest. Je ne savais pas où ça se trouvait.

J’ai contourné ma voiture et fourré la carte Total dans ma poche. J’ai regardé le pompiste dans sa cage de plexiglass, puis elle, qui avançait vers moi sans le moindre doute. Je ne lui ai même pas laissé le temps de me le demander. J’ai juste hoché la tête.

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