top of page

Lemmy

Christophe Angot

Je n’avais encore jamais écouté Motörhead avant de rencontrer la fille de Lemmy. Je n’en avais même jamais entendu parler lorsque je me suis arrêté faire le plein à l’entrée de l’A10. Au moment où je suis sorti de la boutique, je l’ai vue s’avancer vers moi, dans son uniforme noir, un Eastpack élimé pendu à son épaule. Elle a jeté un regard au caissier qui l’observait d’un œil méfiant depuis son aquarium. Il avait cette petite moue condescendante qui semblait dire à la fille : hum, si j’étais toi, je ne parierais pas sur celui-là.

D’habitude, j’aurais donné raison au pompiste. Je ne prends jamais d’auto-stoppeur. Surtout pas avec la bagnole de société. Les consignes de la boite sont très claires. Une question d’assurances, je crois. Et aussi, il y a eu cette histoire avec l’équipe du secteur sud. Des commerciaux qui prenaient des Blablacar pour arrondir leur fin de mois. Ils ont tous été virés.

Donc, aucune chance, jeune fille.

Elle a froncé les sourcils et levé le poing gauche, majeur dressé en direction du pompiste, sans même lui jeter un regard. Le gars a dû être un peu surpris, mais il n’a pas cillé. Il est resté à nous observer, son sourire narquois à peine voilé, sûr de son fait.

Elle m’a mis sous le nez son carton, sans rien dire. J’ai lu les grandes lettres noires majuscules, tracées avec application dans une graphie vaguement gothique. Ça disait : Hellfest. Je ne savais pas où ça se trouvait.

J’ai contourné ma voiture et fourré la carte Total dans ma poche. J’ai regardé le pompiste dans sa cage de plexiglass, puis elle, qui avançait vers moi sans le moindre doute. Je ne lui ai même pas laissé le temps de me le demander. J’ai juste hoché la tête.

 

- Quel con !

J’ai d’abord cru qu’elle s’adressait à moi. On avait roulé trois ou quatre kilomètres en silence, et quand elle l’a répété – mais, quel con, alors - j’étais plutôt d’accord avec elle.

J’ai pensé que si quelqu’un m’appelait maintenant, la boite ou même ma femme, je me sentirais coupable. Et ça s’entendrait, à ma voix, dans ma façon de répondre, c’est sûr. Même avec le kit main libre qui noyait les conversations dans le ronronnement sourd de la gomme sur le bitume, je n’arriverai pas à le dissimuler.

- Il devait espérer que je passe la nuit sur son aire de service pourrie, elle a continué pleine de colère, à me cailler au milieu des poids lourds lituaniens et portugais.

Pour la première fois depuis qu’elle était assise à ma droite, elle avait levé les yeux du ruban d’asphalte qui défilait devant nous. Elle m’observait, guettant ma réaction. Je n’ai pas bougé. Je ne savais pas trop quoi dire, alors j’ai attendu la suite.

- En tout cas merci.

J’ai tourné la tête. J’ai dû avoir l’air soulagé, parce qu’elle m’a souri cette fois.

- Vous pensez qu’on y sera dans combien de temps ?

- Où ça ?

Elle m’a fait des yeux ronds, comme si c’était l’évidence même.

- Ben, au Hellfest, elle a dit, en me fourrant à nouveau son carton sous les yeux. C’est là que vais.

J’ai perçu une pointe d’inquiétude dans cette dernière parole, qui s’était éteinte dans un murmure. J’étais sûr qu’elle me prenait maintenant pour le dernier des crétins. Ou pire encore. Elle devait se dire qu’après tout, les commerciaux en costard-cravate qu’on croisait sur les aires d’autoroute ne valaient pas mieux que les routiers lituaniens.

On a roulé comme ça dans le silence moite et épais de la fin juin pendant plusieurs kilomètres. Et quand on est passés sous les panneaux qui indiquaient en vrac Nantes, Bordeaux, Poitiers, elle a dit :

- Bon. Au moins on est dans la bonne direction.

Et tout à coup ça m’est revenu. J’avais vu un reportage la veille au soir, sur ce festival de hard-rock, qui avait lieu dans un bled à côté de Nantes. C’était la grand’messe annuelle de tous les métalleux d’Europe. Ils débarquaient à près de quatre-vingt mille, zombies chevelus, barbus et tatoués, pour quatre jours de bruit, de bière et de fureur. Le reportage du JT, passablement racoleur comme souvent, donnait la parole à un vieux conseiller général à deux doigts de s’étouffer d’indignation, qui criait à l’orgie satanique et à la messe noire. Ça m’avait distrait un moment puis j’étais revenu à mes chiffres de vente et mes planifications de réassort’. On était en fin de semestre et les centrales d’achat nous remettaient la pression, alors forcément, si je voulais être dans mes objectifs, il allait encore falloir bombarder. Rester concentré sur le chiffre et le taux de marge, avait insisté le Dirco. La même vieille rengaine depuis des lustres. Chaque trimestre il fallait faire plus que le précédent, mieux que les concurrents, charger les mules, et gagner un ou deux points sur tous les grands comptes.

J’ai réalisé que ce Hellfest n’était pas sur mon secteur, mais à plus de deux cent bornes de mon dernier client. Je pouvais aller, disons jusqu’au Mans, mais sûrement pas au-delà. J’ai essayé de le lui dire.

- Je ne vais pas pouvoir vous emmener jusque là-bas, mais je peux peut-être vous avancer un peu.

Je ne savais pas si elle était déçue ou soulagée. Elle a continué à fixer la route devant elle, sans rien dire, son sac sur les genoux. Je lui ai proposé de le mettre sur la banquette arrière. Elle a jeté un coup d’œil, comme pour vérifier qu’il n’y avait pas de piège. Elle s’est tortillée sur son siège pour ôter son perfecto élimé, un peu trop grand pour elle, puis elle a balancé le sac et le blouson sans ménagement à l’arrière.

Pendant qu’elle se réinstallait, je l’ai observée à la dérobée. Elle devait avoir vingt-cinq ou vingt-six ans à peine. Ses grands yeux sombres, lourdement cernés de noir, contrastaient avec la pâleur de son teint. L’envahissant maquillage cérémoniel peinait à lui donner un air farouche et on devinait sous les fards un visage fin, des traits réguliers et doux, qui gardaient la rondeur juvénile d’une adolescence pas si lointaine.

- Oui, ce sera déjà bien, elle a dit après un moment.

En vérité, si elle me l’avait demandé à ce moment-là, j’aurais accepté de l’emmener aux portes de son festival infernal.

 

On s’était un peu détendus, elle et moi. Il m’avait fallu un moment pour m’habituer. C’est normal, dans ce boulot on est seul la plupart du temps. L’unique passager que j’embarque une fois par mois, c’est le directeur régional. En général, entre deux clients il est au téléphone. Le reste de la tournée, il monologue sur les objectifs qui ne sont pas atteints et balance quelques critiques perfides qui me mettent toujours mal à l’aise. Ça me met une pression de malade.

Elle s’est mise à me parler. Elle était partie à l’aube, et comptait passer trois jours sur place pour voir le plus de concerts possibles, profiter de l’ambiance incroyable de ce festival qu’on ne pouvait selon elle comparer à aucun autre.

- Mais mon truc, c’est surtout Motörhead.

J’ai essayé de m’intéresser, mais je me suis enfoncé encore un peu, lamentable.

- Ah oui. Ils jouent au Hellfest cette année ?

Elle m’a regardé, consternée ; j’ai su que je venais de dire une énorme connerie. J’ai senti le rouge me monter aux oreilles, comme un gamin submergé par une honte incontrôlable. J’ai toussoté pour meubler le silence. Puis elle a pouffé de rire, tenté de se retenir un instant et elle est partie d’un grand éclat franc et joyeux.

 

Elle m’a expliqué en long, en large et en travers la vie et l’œuvre de Motörhead. J’avais l’impression qu’elle récitait une page Wikipedia. Rien n’y manquait : les dates, les lieux, les événements, les protagonistes, les anecdotes. Tout cela lui était si familier que bien sûr, elle m’a perdu très vite. Je me contentais d’acquiescer régulièrement, d’émettre un vague Ah, okay !  de temps à autre, pour lui faire savoir que j’étais toujours là. Mais j’étais largué. Je me suis laissé bercer par le son de sa voix, jusqu’à ce qu’elle conclue avec un petit air tragique sur la mort récente de je ne sais quel membre du groupe.

Lorsqu’elle s’est tue, le silence soudain m’a pris un peu au dépourvu. Elle devait attendre que je lui pose une question. Mais j’ai juste hoché la tête et émis un sifflement étouffé, qui se voulait admiratif.

- Ah oui, c’est dingue !

Elle a farfouillé dans son sac et repris aussitôt :

- Attends, je vais te faire écouter. Tu vas voir.

Elle a sorti d’un boitier éraflé un CD qu’elle a introduit dans le lecteur. J’ai senti mes mains se crisper malgré moi sur le volant. Je me suis bien calé dans mon siège, et dans les quelques secondes de silence qui l’ont précédé, je me suis préparé au déferlement.

 

La rythmique était puissante. Le classique trio basse batterie guitare, qui joue vite et fort. Pas de fioriture, du gros son, simple et efficace. De temps à autres, les riffs plus aigus d’un solo de guitare surgissaient en contrepoint de la voix rauque et agressive du chanteur. On a dû écouter tout l’album. Chaque titre ne durait pas plus de trois ou quatre minutes, si bien qu’en une demi-heure, c’était bouclé. J’ai regardé le compteur et je me suis aperçu que j’avais passé le cent cinquante. J’ai levé le pied pour revenir à la vitesse réglementaire. Elle s’est tournée vers moi, tout sourire, satisfaite, et elle a demandé :

- Alors ?

- Bien. C’est bien ! C’est … comment dire, … énergique, j’ai bafouillé.

Elle a eu l’air déçu que je ne manifeste pas plus d’enthousiasme. Elle a éjecté le CD puis l’a abandonné sur le tableau de bord, espérant peut-être que je demande une seconde écoute. J’ai tenté d’enchaîner, de m’intéresser.

- Non, c’est bien. Vraiment. Et comment vous … enfin, comment tu es venue à te passionner pour Motörhead ?

Dans l’instant qui a suivi, son regard s’est éclairé et elle m’a affiché le plus radieux des sourires, comme si je venais de déverrouiller quelque chose, de poser LA question qu’elle attendait depuis le début.

- En fait c’est mon père, elle a dit avec une pointe de fierté.

J’ai hoché la tête avec une moue d’approbation. J’ai pensé que moi aussi, mon paternel m’avait transmis quelques précieuses références musicales, un peu plus classiques peut-être. Le joyau de mon héritage rock’n’roll étant peut-être le Rust Never Sleeps de Neil Young.

- Je veux dire, le chanteur, Ian Kilmister, c’est mon père.

J’ai quitté la route des yeux un instant pour lui jeter un regard interrogateur. Le temps de bien enregistrer l’information, et mes doigts se sont à nouveaux crispés sur le volant. J’ai senti les tensions revenir dans mon dos. Elle a enchaîné sans que je le lui demande.

- Ma mère a rencontré Lemmy – c’est son surnom – en quatre-vingt-quatorze, lors de la seconde tournée de Motörhead aux US. Elle a accompagné le groupe pendant quelques semaines. Tu vois le genre de groupie qu’elle était à l’époque.

Je me suis bien gardé de faire un quelconque commentaire, mais j’ai senti l’amertume de cette dernière remarque. Elle a repris sur un ton plus acerbe encore.

- Bien sûr, elle me l’a jamais avoué. Même quand je lui ai mis toutes les preuves sous les yeux. C’est pas son genre. Elle est trop fière pour l’admettre.

Comme elle continuait son monologue, je me suis mis à transpirer. Il faisait déjà chaud pour un mois de juin et la clim’ de la voiture ne suffirait pas. J’ai baissé la vitre à moitié et l’air chaud s’est engouffré à l’intérieur. Elle a continué en élevant la voix, pour être certaine que je puisse l’entendre.

- Mais j’ai tout recoupé, tout calculé, et ça colle parfaitement, elle a dit avec une lueur folle dans les yeux. C’est évident. C’est pour cela que Maman garde aussi pieusement la photo sur laquelle elle pose avec Lemmy, à la fin du concert d’Austin. Ils ont l’air très complices tous les deux. C’est le seul souvenir qu’elle a conservé. Elle me l’avait bien caché, mais quand je l’ai trouvé tout est devenu clair.

Elle parlait de plus en plus vite, comme pour se convaincre de son raisonnement. Je n’ai pas osé l’interrompre, mais je commençais à me dire qu’il fallait peut-être mieux éviter de la contrarier. Merde ! Je ne prenais jamais d’auto-stoppeur et il avait fallu que j’embarque une mythomane. Je lui ai jeté un coup d’œil fugace alors qu’elle continuait son monologue.

- Je n’ai qu’un seul regret, c’est de ne pas avoir rencontré Lemmy avant sa disparition, tu comprends. Je suis sûre qu’on aurait eu tellement de choses à se dire.

Elle me paraissait plus jeune soudain, plus fragile. Je m’étais peut-être complètement planté sur son âge. Avec son maquillage et son accoutrement gothique, c’était vraiment difficile à dire.  Si ça se trouve elle était mineure et je me rendais complice en ce moment même d’une fugueuse échappée d’un hôpital psy.

- Donc là, tu vois, je fais une sorte de pèlerinage, parce que cette année au Hellfest, ils ont construit une immense statue à l’effigie de mon père. Elle doit faire dans les quinze mètres de haut. Il parait même qu’ils vont y déposer ses cendres. T’imagines. Je pouvais pas rater ça.

J’ai déboutonné mon col de chemise et desserré ma cravate. J’avais besoin de respirer. Pourquoi fallait-il encore que je m’impose çà ? J’ai senti la pulsation du sang dans mes tempes, mon rythme cardiaque qui s’accélérait. J’avais les mains moites.

- Je vais m’arrêter cinq minutes à la prochaine aire.

- Ah ouais, OK. Mais ça va ? Tu es tout pâle. Je t’ennuie avec mes histoires ?

- Non, non, c’est bon, j’ai réussi à murmurer.

J’ai mis le clignotant presque cinq cent mètres avant la bretelle. Il y avait les flics sur le bas-côté, en train d’installer un radar ou je ne sais quoi. Quand je suis passé devant eux, je devais être blanc comme un linge, car le plus jeune des deux m’a regardé d’un air bizarre. Je me sens toujours un peu coupable quand je croise une patrouille, même si je n’ai jamais rien à me reprocher. C’est plus fort que moi. Je me dis toujours que si jamais ils m’arrêtent, je vais m’embrouiller et ils vont forcément trouver quelque chose. Le flic m’a suivi du regard. Je le sentais encore peser sur ma nuque lorsque j’ai garé la voiture, hors de sa portée. Avant de couper le contact, j’ai vérifié dans le rétro qu’il ne m’avait pas suivi.

- Je vais prendre l’air cinq minutes.

Elle a débouclé sa ceinture et ouvert sa portière. Dans l’air chaud de juin, on sentait le pin parasol et les poubelles pleines à craquer d’un week-end de grand départ.

- A tout de suite, elle a dit en réajustant ses lunettes de soleil. Je laisse mes affaires ici. Tu veux de l’eau, un café ou quelque chose ?

J’ai fait non de la main et je me suis appuyé contre le capot. Je l’ai regardée s’éloigner à grandes enjambées, de cette démarche ample et rebondissante qu’imposent les semelles surcompensées. Elle semblait sereine, pleine d’assurance, comme jamais je ne pourrai l’être moi-même. J’ai attendu qu’elle disparaisse à l’intérieur de la boutique pleine de voyageurs en transit. Quand elle a franchi les portes automatiques, j’ai aperçu la file d’attente devant les toilettes. J’ai pensé que si je repartais maintenant, je serai déjà loin lorsqu’elle ressortirait.

Je me suis penché par la vitre ouverte de la voiture et j’ai fouillé dans le vide poche. J’avais arrêté de fumer depuis quelques mois, mais je gardais quand même un paquet en cas de besoin. J’ai fini par le trouver sous les emballages vides de M&Ms et les vieux tickets de parking. Dedans, il restait juste une clope toute tordue et un briquet. J’ai allumé la cigarette et tiré frénétiquement une longue première taffe. Le tabac était trop vieux, trop sec. Le goût était infect, mais je l’ai quand même fumée jusqu’au bout.

Elle est peut-être un peu cinglée, je me suis dit, mais ce n’est pas non plus une psychopathe. C’est juste une nana un peu paumée, une fille qui s’invente une vie, et est-ce qu’on peut le lui reprocher ? Je comprends qu’on puisse rêver d’autre chose. Même d’être la fille cachée d’un rocker mort après tout. Il restait aussi la possibilité que son histoire soit vraie. Si elle y croyait, c’était peut-être l’essentiel, non ?

J’avais à peine fini de m’en convaincre lorsqu’elle est réapparue à la porte de la boutique. Elle était en pleine discussion avec un gars et une fille qui semblaient appartenir à la même tribu qu’elle, métalleux aux cheveux longs et aux tatouages envahissants. Elle leur a montré du doigt l’endroit où je me tenais. Les deux autres ont acquiescé et elle est revenue vers moi en courant.

- Incroyable ! Ça doit être mon jour de chance.

Elle m’a désigné le couple qui marchait lentement vers un van gris, bardé de stickers, garé un peu plus loin.

- Je suis tombée sur des Belges, là. Ils ont proposé de m’emmener avec eux. Ils vont direct au Hellfest. C’est top, non ?

Je n’ai rien dit. Elle a ouvert la portière arrière et récupéré son barda. Elle a contourné la voiture tout en me remerciant de l’avoir conduite jusqu’ici, et elle espérait qu’elle ne m’avait pas imposé un trop grand détour et merci pour tout, c’était sympa … Je l’entendais, mais je ne comprenais pas ce qui se passait. J’ai bredouillé un truc tristement banal et décalé, du genre bon voyage, puis je l’ai laissée s’éloigner, souriant toujours de ce grand sourire désarmant, courant vers le van gris qui l’attendait, portière ouverte. Avant d’embarquer avec ses nouveaux amis, elle s’est retournée vers moi et m’a adressé le salut crypté des métalleux : poing levé vers le ciel, index et auriculaire dressés. J’ai tenté en retour de l’imiter maladroitement, mais le temps que j’y parvienne, elle s’était engouffrée dans le van qui déjà démarrait. Je les ai regardés s’éloigner un moment encore après qu’ils aient disparu dans le flot des vacanciers.

Lorsque je suis remonté dans ma bagnole, je me suis senti un peu seul. J’ai remis le paquet de clopes froissé et le briquet dans le vide-poche puis j’ai démarré. J’allais repartir vers Paris quand le CD est tombé du tableau de bord. Je l’ai ramassé et je l’ai tenu longtemps dans la lumière crue du soleil de juin. Des reflets irisés révélaient sur la surface lisse quelques micro-rayures, ainsi que des traces presque effacées de ses doigts. La sonnerie du téléphone m’a tiré de ma contemplation. Un numéro de la boite s’affichait sur l’écran, celui du Dirco je crois. J’ai rejeté l’appel. Et quand il a rappelé une minute plus tard, j’ai éteint le téléphone. Par la vitre ouverte, j’ai visé la poubelle qui débordait et tenté un panier à trois points.

Yes !

Alors, j’ai enfoncé l’accélérateur et je me suis engagé à pleine balle sur l’autoroute, en direction de l’Ouest. J’avais ôté ma cravate et ouvert en grand toutes les fenêtres de la bagnole. Le vent chaud s’engouffrait rageusement dans l’habitacle quand Motörhead a attaqué les premières mesures de Ace of spades. Lemmy et moi, on s’est mis à gueuler ensemble à pleins poumons. If you like to gamble, I tell you I'm your man …

bottom of page